Siska, La Chica, Noga Erez, 2 juillet 2021: Festival Au Large, Théâtre Silvain, Marseille.

Première soirée du festival hier avec une prog féminine de premier choix.
Siska, que les marseillais connaissent bien, a présenté un set incluant de nouveaux morceaux. Émue de reprendre le chemin de la scène, elle a offert une gamme de morceaux variés qui s’enchaînaient avec fluidité. Accompagnée par un quatuor à cordes (Anna Startseva, Marine Rodallec, Brice Duval et Anne Cé), elle nous a même offert un bel instant de frissons. Pour avoir suivi les différentes propositions de cette artiste depuis une dizaine d’années, je peux dire qu’elle est parvenue à m’émouvoir, sans doute parce que les textes sont devenus intimes, ou tout simplement parce que pour une fois j’étais venue en spectatrice et non photographe. De plus le son était équilibré et nuancé ce qui a rendu l’écoute très plaisante. Jessy Rakotomanga à la batterie assurait aussi les chœurs et Clem était aux claviers. Big up pour Siska qui a ouvert pour deux grandes dames, visiblement impressionnée par la stature des deux autres artistes, elle peut être fière de son set, vrai et émouvant.


Avant 20h30, La Chica, accompagnée de son fidèle comparse Raphaël Charpentier, a pris possession de la scène selon son rituel (voir notre article de son concert à Nîmes). Loin de l’intimité d’une salle de concert, le set de jour et en plein air est devenu très dansant. La Chica occupait toute la scène avec aisance et magnétisme: radieuse, elle montrait beaucoup de naturel et de vitalité. Amusant détail poétique: au moment où elle interprétait ‘The Sea‘, une nuée de goélands a envahi le ciel et tournoyé au-dessus du théâtre, leurs ventres nous offrant les reflets dorés du soleil couchant. Le public s’est rapproché, a dansé. Le titre ‘La Loba‘ a été retravaillé pour la scène et était vraiment très beau. Ce fut un pur plaisir de revoir la Chica en set électro, quel charisme solaire! Elle revient en solo piano-voix le 3 décembre à L’Espace Julien.


En fait, le gros son était réservé à Noga Erez. Pour le coup on s’est pris une énorme vague d’infrabasses. Le public a été pris aux tripes et s’est lancé vers l’avant-scène pour danser. Il faisait enfin nuit à 22h, les lights, plus travaillées, offraient une ambiance stroboscopique propice à la fête. Noga Erez entamait à Marseille sa tournée mondiale pour présenter son dernier album ‘Kids‘. Portée par les pulsations de sa musique, elle déambulait, féline et à un moment elle a même disparu de la scène tout en continuant de chanter. Si le set m’a moins émue que les deux précédents, il était parfait pour ce cadre festivalier, les morceaux tubesques reposant sur des rythmiques géniales. Les compos ont vraiment du charme; la chanteuse, magnifique, s’est montrée plutôt assurée et loquace entre deux titres. De plus la dynamique des duos avec son compagnon Ori Rousso fonctionnait à merveille. Ça fait un bien fou de retrouver les artistes en live. Ils joueront au Paloma de Nîmes le 11 février 2022.


Les trois sets offraient trois musiques de femmes sensibles, fascinantes et complémentaires. Toutes trois étaient émues de retrouver la scène et le public, ne l’exprimaient pas de la même manière, ce qui a fait tout l’intérêt de les réunir. Une belle prog à mon sens. Bravo à l’Équipée (Cabaret Aléatoire, La Mesón, Comparses et Sons et Le Mounguy) pour cette superbe initiative!

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La Chica – La Loba

LA CHICA
EP LA LOBA (Zamora Label/Tweny One)
4 Décembre 2020

Régénération

Comment reprendre les chroniques après cette longue période de douleur? A quelles fins?
Quels mots choisir? Comment avancer, avec tact, sans heurter davantage qui fut brutalisé par le cours des événements?
Reprendre la plume pour dire notre compassion, reprendre la plume pour rendre hommage et danser, au dedans.
Les mots réparent, les chants bercent, la danse aère le corps noué, les poumons asphyxiés.

La Chica nous revient plus belle, plus grande, plus forte, au dedans, comme au dehors. La Loba pourrait devenir son nom de scène tant il est approprié à décrire la force de son âme. La Loba c’est l’album de la résilience. La réponse d’une femme qui utilise intelligemment son pouvoir pour guérir les blessures.

La Chica a accordé de nombreuses interviews à la sortie de son album, explicitant largement le sens des paroles de ses sept nouveaux titres. Sept, le chiffre magique. Je ne me lancerai donc pas dans une interprétation de ce que j’ai compris de ces textes puisqu’elle a pris le temps de les rendre limpides aux yeux du public.

La difficulté, pour moi qui ne parle pas espagnol, avait été réelle et motivante pour préparer l’interview rattachée à la tournée de l’album Cambio. J’avais poussé le soin du détail jusqu’à creuser les symboles de la couverture de celui-ci. Ces détails m’avaient emmenée vers la culture mexicaine des luchadors, vers des dieux anciens, des cultes chamaniques du Venezuela (culte de Maria Lionza, héritage d’autres cultes africains) transmis par les femmes puis repris par les hommes qui établirent un ordre au sein de ceux-ci. Tout de cette pochette montrait les traces du passé colonialiste qui a transformé siècles après siècles les traditions de l’Amérique Centrale et du sud.

La Loba, c’est le retour aux origines. C’est la recherche d’un son (piano et voix) pur, d’un rythme personnel en accord avec la couleur du moment. Rouge. La couleur du sang, du cercle sacré du sang. C’est le retour forcé au temple intérieur qui pousse à grandir. A élargir le cercle pour retrouver son souffle. A reprendre le flambeau et briller.

C’est aussi référence faite à Clarissa Pinkola Estes, la psychanalyste jungienne qui a publié Femmes qui courent avec les loups (1989) dont on ne peut que recommander la lecture. Cette conteuse nous rapporte une lecture originale de contes transmis oralement par des générations de femmes, destinés à aguerrir les âmes. Elle commente celui de la Loba, celle qui voyage entre les mondes.

La Loba est destiné à aguerrir les âmes. Pour souligner la noblesse de cette intention, il fallait bien reprendre la plume.

Lien vers les photos et le live report du concert de Nîmes du 15 février 2020.

… Au bord de l’eau # 20 – La Chica

Rien ne vaut le live pour véritablement rencontrer le talent d’un(e) artiste. La Chica conclut son concert de la Gare du Coustellet sur le fait que sa musique avait un sens profond, et elle remercia son public pour sa curiosité et de sa présence.

Auteure-compositeure-interprète, La Chica a travaillé l’album Cambio, sorti en février 2019. Une tournée s’est mise en place. Passant une deuxième fois dans le sud, au Spot de Nîmes, nous avons eu la joie de pouvoir la rencontrer afin de discuter du sens qu’elle donne à sa musique.

Rappelons que les conversations « ... Au bord de l’eau » ne sont pas construites sur la seule dynamique des questions-réponses strictement liées à la musique. Elles s’articulent autour ce tout ce qui l’entoure, invisible. Ce qui se dit est vivant, on réagit, on improvise dès que possible.

Et parfois, même souvent, c’est ce qui s’échange après l’enregistrement qui est vraiment beau. Quand l’artiste ne sens plus la présence des caméras, et a accueilli le sens de votre venue.

De nombreuses dates se profilaient pour la Chica, actuellement reportées par mesure de protection du vivant.

C’est un coup dur pour tous les professionnels qui investissent tant de temps et d’énergie à construire des tournées, comme pour tous les acteurs de la promotion. Temps et contretemps.

La peur peut nous paralyser, elle peut nous rendre très véloces aussi. Notamment à l’intérieur de nous-mêmes. Tout dépend de notre capacité à créer. Toute l’agilité de l’humain peut servir à fertiliser. Même les contretemps.

C’est un temps pour réfléchir à ce que l’on fait, à ses responsabilités envers le vivant, et qui pourrait être enrichi en visualisant des stratégies, en organisant notre solidarité. Un temps pour respirer, un temps pour guérir. Un temps pour l’amour aussi. Si nous ne pouvons voir certains des nôtres, plus fragiles, nous pouvons leur parler. Nos vivants… Saisissons l’instant et chantons encore, à l’image des italiens qui à leur fenêtre, en ce moment, se chantent, les uns aux autres, ensemble.

LA CHICA @ Le Spot, Nîmes. 15 février 2020.

Une interview sur radio Nova m’a donné envie d’aller écouter le live de la Chica. Son propos m’a touchée. J’ai cherché des infos, une date: elle allait jouer à la gare du Coustellet peu de temps après. J’ai vu ce live, eu immédiatement envie de la photographier. Ce qui m’a menée vers le Spot de Nîmes.

La Chica entre en scène accompagnée de Raphaël Charpentier, sous les applaudissements nourris d’une salle comble. Mecavolic aura parfaitement chauffé le public, un public plutôt mélomane, en tout cas attentif et chaleureux.

Dans une lueur bleue, La Chica lance quelques gouttes de rhum qui dessinent au sol un cercle sacré. Espace où elle dansera, convoquera ses Absents, tradition caribéenne oblige.

Si vous ne la connaissez pas encore, je dirais que La Chica est une surdouée. Elle écrit, compose ses morceaux mais aussi chante et danse tout en étant parfaitement ancrée. La composition des morceaux a été enrichie pour le live. Je la sens plus puissante, plus animale. J’ai trouvé l’adaptation de « El Rezo » très belle: à la fois primale pour sa rythmique et raffinée pour son chant; idem pour « Mejor Que Ella » devenue luxuriante. De nouveaux morceaux apparaissent, en cours de gestation. Pensées, songes, amours, doutes, peurs, douleurs et recherches expérimentales se télescopent dans un kaléidoscope magique.

La scansion des textes, l’usage de l’ostinato et les rythmes (variés à l’extrême) s’enlacent pour donner force aux mots et à leur sens profond, voire caché. Les mouvements du corps (aussi fort que fragile, guerrier que sensuel) soulignent les images des textes… Tout se conjugue pour nous faire vibrer à un haut niveau. La Chica passe alternativement de l’espagnol à l’anglais, puis au français entre deux titres. Elle est plus véloce en espagnol. Elle est surtout volonté incarnée de faire danser les âmes, à la lumière solaire de sa joie d’être là. Tantôt femme-serpent, elle ondule, tantôt femme-enfant, elle élève sa voix de soprano vers les cieux…

De nombreux visages féminins passent sur le sien. Je pense alors à l’album « La Llorona » de Lhasa: aux contes/chants/mythes ancestraux que les femmes se transmettent oralement. Avec ce petit plus sur sa « prédéce-sœur » , La Chica frappe le sol aux rythmes de son cœur. Elle y puise son énergie et la redistribue. Au milieu de la salle je vois un grand homme, il saute les bras ouverts vers le ciel, lancé à fond. Le regard de la Chica change.

Le public reprend spontanément « Yo » avec elle sur « Canto del Pilon« , son adaptation du chant de travail vénézuélien au discours discrètement féministe et révolutionnaire.
Quelque chose s’est produit. Le feu et le sang circulent, aux joues de tous.
Les mélodies du piano s’immiscent partout, nous transportant entre ciel et terre, légères et virevoltantes. On navigue en dehors du temps, au delà des apparences, au cœur du Vivant, sur « un mar adentro »(« Oasis« ), une mer intérieure.

La gracieuse séquence de danse Bollywoodienne lors de « Ratas » finit de soulever la salle, décidément très sensible. Cette bienveillance est émouvante. Les gens connaissent aussi les paroles de « Drink » et chantent à nouveau. Des espagnoles l’apostrophent: « Guapa! », « Vamos! » Tant d’amour s’échange ce soir. Un sourire intérieur affleure le visage de la Chica. Raphaël, discret pilier, insuffle sa force aux morceaux.  Lui aussi aura chanté ce soir.

La Chica ne termine d’ailleurs pas le set seule, Raphaël reste. Elle propose encore un titre inédit. Elle ne l’a pas encore intitulé, excellent. Après ses remerciements, elle offrira un dernier morceau plus lent: « El Ermitaño« . L’image de l’Hermite du tarot me vient aujourd’hui… Un symbole riche en signification.
Je ne dirai qu’un mot: « Encore! »

Ce sera à L’Espace Julien de Marseille le 30 avril 2020.
Be there, ce set est un must-see.

Setlist: Hay Algo – Be Able – El Rezo – The Sea – Mejor Que Ella – Sola – Mis Pies – (Quien quiere ser una serpiente?) – Canto del Pilon – Oasis – Addict – Veo Veo – (??)- Ratas – Drink – SYD  – (Untitled)- El ermitaño.

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